Acheter un appartement comporte toujours un certain nombre d’inconnues. On veut pouvoir agir vite, pour ne pas rater la bonne affaire, mais il faut aussi veiller à ne pas commettre une erreur de jugement dans la précipitation.
Cette tâche peut sembler plus compliquée dans une copropriété à cause du nombre de documents à analyser (PV d’assemblées générales, décomptes, bilan, etc.).
Pour vous permettre d’accélérer votre prise de décision, voici quelques conseils qui vous seront précieux avant de remettre une promesse d’achat qui vous engagera définitivement.
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Tout d’abord il est utile de préciser qu’en cas d’achat d’un appartement en copropriété, vous recevrez toujours une série de documents et informations spécifiques qui sont définies légalement (article 577-11 du Code Civil).
La liste d’informations que le cessionnaire recevra avant la signature de la convention, ou de l’offre d’achat ou de la promesse d’achat, est définie précisément et doit être transmise par le syndic sur simple demande endéans la quinzaine. La demande peut émaner du notaire, de toute personne agissant en tant qu’intermédiaire professionnel ou du cédant.
Il s’agit des informations et documents suivants :
1° the amount of working capital and reserves;
2° le montant des arriérés éventuels dus par le cédant ;
3° la situation des appels de fonds, destinés au fonds de réserve et décidés par l’assemblée générale avant la date certaine du transfert de la propriété ;
4° le cas échéant, le relevé des procédures judiciaires en cours relatives à la copropriété ;
5° les procès-verbaux des assemblées générales ordinaires et extraordinaires des trois dernières années, ainsi que les décomptes périodiques des charges des deux dernières années ;
6° une copie du dernier bilan approuvé par l’assemblée générale de l’association des copropriétaires.
C’est l’ensemble de ces documents qui permettra à l’acheteur de se faire une idée précise de son engagement financier exact, non seulement à l’achat du bien, et en plus du prix d’achat en tant que tel, mais aussi des charges périodiques approximatives à prévoir pour l’usage de l’appartement.
Il recevra par ailleurs, une fois le compromis signé, un certain nombre d’informations complémentaires, qui lui servent à transmettre la vue actualisée de cette charge financière, suite aux éventuelles décisions survenues après la date de l’offre.
1° le montant des dépenses de conservation, d’entretien, de réparation et de réfection décidées par l’assemblée générale ou le syndic avant la date certaine du transfert de la propriété mais dont le payement est demandé par le syndic postérieurement à cette date ;
2° un état des appels de fonds, approuvés par l’assemblée générale des copropriétaires avant la date certaine du transfert de propriété et le coût des travaux urgents dont le payement est demandé par le syndic postérieurement à cette date ;
3° un état des frais liés à l’acquisition des parties communes, décidés par l’assemblée générale avant la date certaine du transfert de propriété mais dont le payement est demandé par le syndic postérieurement à cette date ;
4° un état des dettes certaines dues par l’association des copropriétaires à la suite de litiges nés avant la date certaine du transfert de la propriété, mais dont le payement est demandé par le syndic postérieurement à cette date.
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Tout l’enjeu pour l’acheteur est donc de pouvoir correctement interpréter cette information transmise et identifier ce qu’il sera approprié de prendre en considération avant de s’engager.
Dans le cadre de cet article ce seront donc uniquement les informations disponibles avant la formulation de l’offre d’achat qui seront commentées, puisque le reste ne sera qu’un complément d’informations transmis une fois la vente déjà conclue.
Voici donc quelques explications et éléments à retenir par rapport à chacun des points de liste telle que reprise ci-dessus.
1° Le montant du fonds de roulement et du fonds de réserve ;
La quote-part du vendeur dans le fonds de réserve est acquise à l’acheteur.
Concrètement, cela veut dire qu’en achetant l’appartement au prix convenu, vous faites automatiquement l’acquisition de votre quote-part dans le fond de réserve.
Par exemple, si le fonds de réserve est de 100.000€, et que votre quote-part est de 500/10.000, il y a 5.000€ dans le fond de réserve qui sont à vous au même titre que votre appartement.
Attention, cette quote-part de 5.000€ n’est en aucun cas remboursable à l’acheteur, puisque le fonds de réserve a été constitué par la copropriété pour faire face à des travaux ou dépenses conséquentes d’entretien des parties communes auxquels la copropriété devra faire face.
L’avantage pour l’acheteur est donc qu’il bénéficiera, en cas de travaux effectifs, d’un bas de laine que le/les précédents propriétaires auront constitué, sans avoir lui-même dû y contribuer ou racheter cette quote-part lors de l’achat. Cette dernière lui est ainsi légalement due.
Quant à la quote-part du vendeur dans le fonds de roulement, celle-ci devra par contre être racheté par l’acheteur.
C’est le syndic qui se chargera de facturer le montant dû au nouvel acquérant, une fois informé de la finalisation de la vente par le notaire.
C’est aussi le syndic qui procédera par la suite au remboursement du montant payé par l’acquéreur au vendeur.
2° Le montant des arriérés éventuels dus par le cédant ;
Depuis 2010, un mécanisme légal a été mis en place pour que les syndics puissent tenter de récupérer les arriérés d’un vendeur à la vente de son lot dans une copropriété.
Le syndic sera ainsi informé de la vente, et pourra communiquer le montant des arriérés au notaire instrumentant (= notaire de l’acheteur). Pour la portion relative au lot vendu (dans l’hypothèse ou le vendeur aurait plusieurs lots dans un même bien) et à l’exercice en cours ainsi que l’exercice précédent, la copropriété sera réputée créancier prioritaire, et ce depuis la loi du 18/6/2018.
En d’autres termes, dans un scénario où les arriérés d’un copropriétaire s’élèveraient à 8.800€, soit 4.400€ pour chacun de ses deux lots dans l’immeubles, et que 1.400€ de ce second montant serait liés à la période en cours et la période précédente, l’ACP sera un créancier privilégié pour ce dernier montant.
Concrètement si la vente est conclue pour un montant de 200.000€, le notaire sera obligé de retenir les 1.400€ pour la copropriété (dans le cadre d’une procédure qui doit respecter certaines règles et délais strictes qui ne seront pas détaillés dans cet article).
Le reste du montant dû par le propriétaire vendeur, soit 7.400€ dans le cas fictif qui nous occupe, pourrait demeurer totalement ou partiellement à charge de la copropriété, si d’autres créanciers prioritaires avaient été remboursés avec le restant du montant obtenu lors de la vente.
Ainsi, dans un cas de figure ou cette dette subsiste, ce montant représentera une perte pour la copropriété qui pourrait engendrer des frais éventuels si la décision est prise de poursuivre en justice le vendeur.
3° La situation des appels de fonds, destinés au fonds de réserve et décidés par l’assemblée générale avant la date certaine du transfert de la propriété ;
Lors de chaque assemblée générale ordinaire la copropriété devra valider par un vote le budget à prévoir pour les dépenses courantes sur l’année. C’est au syndic de préparer cette estimation pour le budget de l’année à venir au moyen sur base des charges passées et en tenant compte de l’évolution des différents marchés.
S’il s’avère que l’argent en caisse (= le fonds de roulement) n’est plus suffisant pour couvrir les besoins en liquidités de la copropriété, soit à cause de l’augmentation des prix, soit parce que la copropriété comporte un nombre important de mauvais payeurs, il peut s’avérer nécessaire d’augmenter le fonds de roulement pour être en mesure de payer les fournisseurs dans les délais.
Ceci se fait via un appel de fonds de roulement.
Quant aux appels de fonds de réserves, ils sont destinés à faire face à des nécessités ponctuelles de financement pour des travaux plus lourds dans la copropriété, qui tombent en dehors de l’entretien courant et des dépenses de consommation, et qui font systématiquement l’objet d’une décision spécifique en assemblée générale (ordinaire et/ou extraordinaire).
Comme le fonds de réserve est acquis à l’acheteur, tout ce qui aura déjà été payé avant la date de vente par le vendeur ne peut plus lui être remboursé. Le fonds de roulement en revanche ne l’est pas, et le vendeur récupère ainsi sa quote-part en cas de vente, indépendamment de la date à laquelle il aurait versé sa quote-part pour un appel de fonds.
Ces appels vont donc souvent engendrer pour l’acheteur une charge financière supplémentaire qu’il aura à supporter assez rapidement une fois propriétaire.
4° Le cas échéant, le relevé des procédures judiciaires en cours relatives à la copropriété ;
Un cas fréquent est de retrouver parmi les procédures judiciaires les démarches entamées contre d’éventuels mauvais payeurs dans la copropriété. Le problème pour la copropriété, et a fortiori le candidat acheteur, étant que tant que la copropriété n’a pas obtenu, soit une condamnation, soit un apurement des dettes, c’est aux autres propriétaires d’assumer non seulement les charges du/des copropriétaires en question, mais aussi les couts supplémentaires de ces procédures (coûts administratifs, avocats, suppléments éventuels du syndic, etc.).
L’inconnue pour l’acheteur sera aussi de savoir s’il s’agit d’une copropriété où le problème des payements se pose de manière récurrente et engendre pour ainsi dire des coûts fixes additionnels ou s’il s’agit d’une problématique ponctuelle et donc négligeable.
Outre ce cas classique, d’autres cas potentiellement plus problématiques devront attirer l’attention de l’acheteur :
- Dans des immeubles neufs, il n’est pas rare que la copropriété, dans le cadre d’un refus de signature de la réception définitive, ait engagé une procédure judiciaire contre le promoteur. Le cas échéant, l’acheteur doit prendre en compte que ces procédures sont souvent très couteuses et longues à atteindre une résolution.
- Dans des cas moins fréquents et dans des immeubles qui ne sont pas des nouvelles constructions, il peut également arriver que des litiges émergent suite à des travaux réalisés dans la copropriété, surtout si ces travaux avaient pour but de résoudre des problèmes récurrents de sinistre, sans que l’intervention n’ait porté ces fruits. Il est à noter que tous les travaux ayant été suivis par un architecte sont obligatoirement couvert par une garantie.
5° Les procès-verbaux des assemblées générales ordinaires et extraordinaires des trois dernières années, ainsi que les décomptes périodiques des charges des deux dernières années ;
Outre les informations mentionnées ci-avant, que le syndic se sera chargé de transmettre de manière spécifique, les PV des assemblées générales et annexes qui peuvent contenir de précieuses informations complémentaires.
On y retrouvera bien sûr les décisions prises par l’assemblée générale quant à l’exécution de travaux et leur financement (en général via un appel de fonds de réserve), mais on peut aussi y trouver des éléments complémentaires concernant les avancements de dossier judiciaires, les changements apportés récemment à un ROI, un dossier sinistre plus complexe ayant requis un vote, etc.
Les décomptes de charges permettent quant à eux de se faire une idée de la charge annuelle que peut représenter l’immeuble et donne ainsi une image complète de son engagement financier à l’acheteur.
Le poste ascenseur, par exemple, représente souvent une charge assez lourde. Cependant, il arrive régulièrement que la participation à ce poste ne soit pas répartie suivant la clé de répartition ‘standard’ (càd les quotités que représente l’appartement par rapport au total de l’immeuble), mais bien suivant une clé de répartition spécifique. Ainsi dans beaucoup d’immeubles l’appartement situé au rez-de-chaussée ne participe pas ou participe proportionnellement moins aux couts générés par ce poste. Ce type d’éléments se retrouve dans le règlement de copropriété mais peut aussi assez facilement se déduire en examinant les clés de répartition utilisées dans les décomptes de charges.
Un article séparé traitera des différents types de comptabilités en copropriété et de l’impact de ces choix pour les propriétaires.
6° une copie du dernier bilan approuvé par l’assemblée générale de l’association des copropriétaires.
Le Bilan donnera toujours le montant des fonds de réserve et de roulement.
Il est important de rappeler ici qu’un fonds de réserve élevé est une bonne nouvelle pour l’acheteur puisqu’il n’aura pas à racheter sa quote-part qui lui est automatiquement acquise. En cas de gros travaux, il y aura ainsi un budget moins conséquent à mettre sur la table.
Le fonds de roulement sert quant à lui de caisse pour faire face aux dépenses périodiques de l’immeuble. L’acquéreur devra racheter sa quote-part dans le fonds de roulement.
On retrouvera aussi sur le bilan d’autres informations comme les créances dues par les copropriétaires à la copropriété. Cependant il est difficile d’en tirer des informations pertinentes, car sur base du bilan uniquement il n’est pas possible de savoir exactement de quoi ce compte est constitué et donc depuis quand les montants y sont stagnants.